Les anciens fusils du Maroc

Aïn Diab


AÏN DIAB, la Corniche de Casablanca




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« On peut facilement s'enthousiasmer des grands espaces de l'Asie centrale, laisser couler son imagination devant les grands fleuves d'Amérique, parvenir au sommet de l'art en captant la force des massifs montagneux de l'Atlas (…) Ici, à part la merveille de l'océan, mais qu'on trouve en de mains endroits plus beaux encore, rien a priori ne se prête à la débauche des mots : c'est petit, plat, peuplé, désordonné. »

 

Par ces lignes l'auteur semble décevoir intentionnellement les attentes du lecteur. En réalité, il ne s'agit que d'un clin d'œil ironique car, au cours de sa longue “promenade”, Jean-Luc Pierre prouve qu'Aïn Diab peut encore surprendre.

Sa définition d'Aïn Diab se fait par un texte qu'il est difficile de “définir”, déconcertant par moments car, ici, c'est l'adulte savant qui nous introduit à la géologie des lieux, là, c'est l'adolescent, inconsciemment poète, qui s'émerveille.

 

« Au crépuscule, la fluorescence bleue de la mer irradie encore quelques temps le sable clair de la plage. Les formes se recomposent dans la profondeur d'une perspective retrouvée avant de s'effacer tout à fait dans une pénombre bleuie. La nuit tiède s'épaissit ; les premières étoiles trouent le ciel de pointes d'argent. La force invisible de l'océan ne se perçoit plus alors que par le bruit des vagues qui s'écrasent sur les rochers ou rabotent inlassablement le sable de la plage. Parfois le sillage blanc de la lune qui miroite sur l'encre noire de l'eau accuse la ligne blanche de l'écume qui ourle les vagues ou entoure les rochers. »

 

Aïn Diab offre plusieurs lectures possibles : l'auteur interroge la mémoire du sable et des vagues, descend dans la dimension souterraine des croyances et de la magie, refait surface sous les enseignes lumineuses des restaurants et des boîtes de nuit. J.-L. Pierre ne néglige aucun aspect de cette partie de la ville qui permet aux Casablancais de “ respirer ”  l'océan et de s'ouvrir sur son espace mouvant.

 

« Le lieu où a vécu le marabout sert aujourd'hui de retraite aux fidèles. Des femmes assises contre le mur face à la porte patientent et se recueillent. Pour une plus grande proximité avec le saint, il est possible de passer la nuit entre les tombeaux dans le sourd tremblement de l'île martelée par les lames de l'océan. Durant le sommeil, le saint homme revient prodiguer ses conseils aux malades et proposer des solutions aux tourments. Une deuxième retraite se passe à l'extérieur, derrière le mur, au ras des flots, face aux éléments déchaînés. Sans arrêt les grosses vagues se brisent sur le chaos de rochers noirs cernés d'écume blanche. Le froid, l'humidité et le vacarme des vagues des hautes eaux fouettant les rochers, provoquent un choc physique qui fait réagir le corps et l'âme en souffrance. »

 

Mais ce texte est aussi l'invitation à une réflexion sur les transformations qui ont modifié la beauté naturelle, la flore et la manière de vivre des habitants d'Aïn Diab.

« Bien que des efforts remarquables aient déjà été déployés, ceux-ci n'ont pas toujours donné de résultats positifs et beaucoup reste à faire pour que ce lieu échappe à la ruine et retienne un peu d'éternité. »

« L'apparent désordre des mutations de l'espace laisse peu de temps au temps, or, les dynamiques naturelles comme le climat ou les forces qui régissent les formes fluides de la plage doivent être comprises avant d'envisager des transformations en profondeur. Des installations en dur, des établissements de restauration rapide, des complexes balnéaires menacent désormais l'espace libre de la plage qu'occupent également des forains durant l'été. L'hiver, la nature reprend heureusement une partie de ses droits. La végétation naturelle fait éclore ses mille fleurs sur la dune malgré les tempêtes et le vent, moins violents toutefois que l'action de l'homme.

(…) Cette richesse patrimoniale ne doit pas être balayée d'un coup de lame de bulldozer ; elle doit être comprise pour être préservée et transmise. »



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